Et si vous aviez un guide pour transformer votre organisation en un modèle plus durable et éthique ? C'est ce que propose la certification B Corp. Dans cet épisode Mathilde Fermaut, responsable programmes, pédagogie et impact de la branche française de B Lab, détaille les exigences de la certification, les étapes pour l'obtenir et les nombreux bénéfices qu'elle offre, notamment pour les professionnels du tourisme. Découvrez comment ce référentiel peut devenir une véritable boussole vers des pratiques responsables.
Caroline : « Imaginez trouver un guide pour adopter des pratiques plus durables et éthiques pour votre organisation. C'est ce que propose la
certification BCorp. Son référentiel permet à tous les acteurs du tourisme qui souhaitent améliorer l'entreprise de trouver une véritable ligne conductrice. Dans cet épisode, nous avons le plaisir d'accueillir Mathilde Fermaut, responsable programme pédagogie et impact de la branche française de BLab. Elle nous dévoile les coulisses de cette certification, son fonctionnement et comment elle peut aider à faire évoluer son entreprise.
Mathilde, bonjour ! »
Mathilde : « Bonjour ! »
Caroline : « Est-ce que vous pouvez nous donner une brève présentation de cette certification ? »
Mathilde : « Bien sûr. Ce que j'aime bien rappeler en introduction, en tout premier, c'est qu'il s'agit d'une certification entreprise et non d’une certification produit. On s'adresse à des organisations, des organisations à but lucratif de toutes tailles, tous secteurs, comme le tourisme. En fait, BCorp est née de la volonté de prouver que les entreprises peuvent repenser leurs pratiques, leur rôle dans la société. De prouver qu'un autre modèle d'entreprise est possible. Un modèle dans lequel l'entreprise comprend, et au -delà de comprendre, est vraiment totalement consciente de l'impact social, sociétal, environnemental de son activité. »
Caroline : « Est-ce que vous pouvez me dire quels sont les prérequis pour obtenir cette certification ? »
Mathilde : « Le premier prérequis est le prérequis commun à toutes les certifications. On doit prouver, à l'issue d'un audit, une performance en termes d’impacts sociaux, sociétaux, environnementaux. Mais ensuite, peut-être un peu plus méconnu dans le cadre de la certification BCorp. On demande également aux entreprises de s'engager juridiquement en modifiant leurs statuts pour y intégrer plusieurs phrases que je ne vais pas citer, mais qui disent que l'entreprise s'engage à prendre en compte l'impact de ses activités sur ses différentes parties prenantes. »
Caroline : « Ça peut être utile par exemple en cas de changement de gouvernance, j'imagine. »
Mathilde : « Oui, l'objectif vraiment de cet engagement juridique, c'est de pérenniser dans les statuts et donc dans les textes constitutifs de l'entreprise cet engagement vis-à-vis d'une mission vers le bien commun.
Caroline : « Et il y a une troisième exigence, je crois ? »
Mathilde : « Et il y a une troisième exigence, effectivement, qui relève plus de l'ordre de ce qu'on impose à l'entreprise une fois qu'elle est certifiée. C'est -à-dire que toute entreprise certifiée doit accepter de publier de manière transparente son score et ses sous-scores d'impact, donc de réponses au questionnaire, afin que le grand public puisse avoir accès à la performance de l'entreprise sur le questionnaire et qu’il comprenne de quoi il s'agit. »
Caroline : « Vous nous parlez d'un questionnaire, vous pouvez nous en dire plus sur ce questionnaire ? »
Mathilde : « C'est un questionnaire qui est donc disponible en ligne gratuitement. Ça, c'est hyper important pour nous en tant qu’ONG puisque rendre ce questionnaire disponible gratuitement, au-delà de la démarche de certification, ça nous permet de toucher des entreprises qui n'ont pas forcément envie ou le niveau de maturité pour aller jusqu'à la certification. Mais elles peuvent quand même utiliser ce questionnaire. »
Caroline : « Alors justement, c'est quoi les thématiques, les thèmes ? Et en quoi effectivement ça va notamment concerner les professionnels du tourisme et les amener à se questionner. »
Mathilde : « « Tout d'abord, on va regarder comment l'entreprise s’est structurée en termes de gouvernance pour prendre en compte la performance sociale, sociétale, environnementale dans ses prises de décisions stratégiques. Comment elle va s'assurer que les décisions prises répondent aux problématiques et aux besoins des différentes parties prenantes de l’entreprise ? Quand je dis parties prenantes, c'est un terme un peu jargonneux de la RSE. J'entends toutes les personnes ou tous les groupes de personnes avec lesquels une entreprise va avoir des interactions. Si on prend l'exemple d'une maison de vin, mais ça vaut pour toute autre entreprise qui accueillerait des visiteurs, on va avoir ses parties prenantes internes, donc ses collaborateurs. On va avoir ses parties prenantes externes traditionnelles, donc les fournisseurs, les clients, les visiteurs. Et puis on va également avoir plein d'autres parties prenantes possibles : les habitants du village, les partenaires publics, la collectivité locale, des associations locales peut-être, voire des associations qui ont des choses à dire sur leur activité, par exemple des spécialistes de la biodiversité. En fait, c'est vraiment toutes les personnes qui vont avoir des relations ou des interactions avec les activités de l'entreprise. Ce qui va être intéressant, si je prends toujours le cadre de cette maison de vin, ça va être de créer une instance, un comité, un moment, pour mettre toutes ces parties prenantes autour de la table. Afin de pouvoir justement comprendre leurs besoins, comprendre leurs problématiques, comprendre ce qu'elles attendent de l'entreprise. Et en retour, permettre à l'entreprise de poser des questions à ces parties prenantes pour comprendre leur avis sur ses grands enjeux stratégiques, sur les décisions qu'elle doit prendre pour les prochaines années pour aller dans le sens de son objectif de développement durable. Et donc c'est ça que va proposer ce volet-là du questionnaire. Ça va être d'interroger comment l'entreprise va inclure dans la prise de décision ces différentes parties prenantes. »
Caroline : « Alors ça, c'est pour la partie gouvernance. Ensuite, il y a d'autres thématiques ? »
Mathilde : « Exactement. Ensuite, justement je citais les parties prenantes. La première qu'on va aller regarder, c'est celle des collaborateurs. On va aller regarder diverses choses avec l'entreprise : comment elle va se structurer pour avoir une politique de rémunération juste, avec des soucis d'équité, évidemment. Comment elle va se structurer pour fournir des opportunités d'évolution, des opportunités de formation à ses collaborateurs ? On va aussi regarder tous les avantages sociaux qu'elle peut proposer en termes de bien-être, en termes de santé. Alors en France, on a un cadre juridique qui est déjà assez avantageux pour ces questions-là, mais il n'empêche qu'on peut toujours aller plus loin. On va aussi regarder toutes les questions de satisfaction des collaborateurs. Et si la satisfaction n'est pas là pour une raison X ou Y, comment on va pouvoir prendre des mesures correctives vis-à-vis de cette satisfaction ? Ça, c'est toujours la philosophie du questionnaire. On va vous demander si vous avez des politiques en place, mais on va aussi aller regarder comment ces politiques s'appliquent dans le concret, dans le quotidien de l'entreprise. »
Caroline : « Et puis ensuite, il y a les collectivités, il me semble ? »
Mathilde : « Alors on dit collectivité, mais c'est surtout le volet territoire. Comment l’entreprise va s'ancrer dans son territoire ? Quel ancrage local ? Quel engagement auprès de son territoire ? Elle peut avoir un engagement civique/citoyen. Ça peut passer par des questions de mécénat qu'on connaît plutôt bien. Donc le mécénat financier, mais aussi, pourquoi pas, du mécénat qu'on appelle de compétences. Ça veut dire permettre à des collaborateurs d'allouer une partie de leur temps de travail à du travail en association. Mais ça va aussi passer, évidemment, par la relation avec la chaîne de valeur. Est-ce que l'entreprise va aller chercher des fournisseurs locaux ? Est-ce que l'entreprise va favoriser l'embauche locale, fournir un service ou un produit à des clients locaux ? On me pose souvent cette question de relation de l'entreprise à son territoire. »
Caroline : « Vous auriez un exemple ? »
Mathilde : « Oui. J'ai récemment échangé avec un hôtel. Cet hôtel-là s'est rendu compte qu'il avait un certain nombre de livraisons qui venaient toutes de Rungis, mais livrées par des camions différents. En fait, tous les matins ou tous les jours, il avait différents flux de livraisons. Ils se sont posé la question de comment optimiser ces flux locaux de livraisons pour éviter de démultiplier l'impact environnemental du transport des marchandises. Et donc, ce qu'ils ont décidé de faire, c'est de reprendre la main sur le processus logistique et de proposer à ces différents fournisseurs de collaborer ensemble pour ne faire livrer que dans un seul camion tous les produits qui venaient du même endroit. »
Caroline : « Est-ce qu'il y a un véritable impact sur l’autre grand thème de ce questionnaire qui est l'environnement ? »
Mathilde : « On a vraiment tout un volet environnement, évidemment, qui va aller regarder d’abord de manière générale quel est le système de management environnemental de l'entreprise. Donc comment l'entreprise s'est organisée pour mesurer ses impacts environnementaux et avoir un plan de transition vis-à-vis d'eux. Ensuite, on va regarder dans le détail chacun des impacts, sur des questions climatiques, sur des questions d'eau, sur des questions de déchets ou des questions de biodiversité. Comment l'entreprise se fixe justement des objectifs vis-à-vis de ces différents impacts ? »
Caroline : « Et en bout de chaîne, j'imagine qu’il y a les clients aussi ? »
Mathilde : « Il y a les clients, effectivement, avec lesquels on a pour problématique principale celle de la protection des données. Et on va aller quand même un peu plus loin que la simple protection de ces données, puisqu'on va aussi demander à l'entreprise de s'interroger sur l'impact de son produit ou de son service vis-à-vis de ses clients. Est-ce que l'entreprise s'interroge, fait des recherches, essaye de comprendre concrètement comment son produit ou service impacte le quotidien de son client en positif ou en négatif ? Et comment faire des choix vis-à-vis de ça ? »
Caroline : « Vous auriez un exemple justement ? »
Mathilde : « Sur une entreprise du tourisme par exemple : comment j'aide mes clients, je dis client pour rester générique, à se développer d'un point de vue culturel ? On va pouvoir valoriser dans le questionnaire si une entreprise a décidé de fournir un service ou un produit qui cherche explicitement à aider les clients à augmenter leur reconnaissance culturelle, avoir accès à la culture, là où ils n'y auraient peut-être pas accès sur un territoire. »
Caroline : « Je comprends qu'effectivement cette certification permet d'enclencher un mouvement d'évolution très important pour les entreprises. Est-ce qu'il y a d'autres bénéfices secondaires pour les entreprises ? »
Mathilde : « Oui ! Certaines entreprises, elles sont nombreuses d'ailleurs, nous font un retour par rapport à la marque employeur. L'obtention de la certification peut avoir un impact. On a des entreprises qui nous disent avoir des questions de la part des candidats qui viennent un peu titiller cette certification. Ce que ça veut dire pour l'entreprise ? Comment elle le vit concrètement ? Ensuite, il y a plein d'autres raisons de s'engager dans cette démarche. Certains vont chercher plus un volet communautaire dans le sens où ils vont avoir envie d'interagir avec d'autres entreprises qui souhaitent avoir ce même niveau d'engagement et d'exigence vis-à-vis d’elles. Et nous, on anime ça au sein de la communauté BCorp. Il y a pas mal de bénéfices à l'obtention de cette certification, mais cela dépend vraiment de l'entreprise en réalité. »
Caroline : « Merci beaucoup Mathilde ! »
Mathilde : « Merci à vous ! »
Caroline : « Je retiens les bonnes pratiques :
1 : Les entreprises peuvent utiliser le référentiel pour se poser les bonnes questions et améliorer leur fonctionnement. Jetez un œil et voyez si ça vous parle !
2 : La certification BCorp est une reconnaissance d'une organisation à 360 degrés plutôt qu'un simple label produit. Elle est accessible à toutes les entreprises et tout à fait adaptée au secteur touristique.
3 : Obtenir la certification BCorp n'est pas une fin en soi, mais le début d'une démarche d'amélioration continue. Les entreprises sont encouragées à faire toujours mieux !
Merci encore Mathilde et merci à vous pour votre écoute. Pour ne rien manquer des conseils de nos experts, pensez à vous abonner à notre chaîne de podcast Explore Grand Est Academy et n'oubliez pas de mettre des étoiles si cet épisode vous a été utile. »
Un podcast de l’Agence Régionale de Tourisme du Grand Est, produit avec
Journaliste, Studio Ohz
Responsable programme pédagogie et impact de la branche française de BLab
Un projet déployé avec le soutien de la Région Grand Est.
Explore Grand Est Académie fait l’objet d’un financement FEDER.
Ressources utiles :
Processus de labellisation B Corp - B Corp France