La crise sanitaire du Coronavirus est inédite et historique. Ce virus de quelques millionièmes de millimètre a mis la moitié de la planète à l’arrêt, en confinement.
La majorité des grandes économies sont stoppées. Lidewij Edelkoort, grande prévisionniste, estime que le virus covid-19 offre « une page vierge pour un nouveau départ ».
Cette crise inédite aura bien un effet sur nos comportements, nos façons de penser, de consommer et de voyager. Chaque crise impacte à long termes les peuples, l’humanité et souvent des leçons sont tirées. L’humanité commençait déjà depuis plusieurs mois, à prendre consciences de plusieurs éléments essentiels que ce virus ne fera qu’accélérer, d’autres surgiront….
Personne ne peut à ce jour prédire ce qu’il va se passer au vu de l’ampleur et du caractère inédit que cette crise. Nous essayons juste ici de dresser des hypothèses sur les tendances qui se dégageaient avant la crise et sur l’impact que pourrait avoir cette crise sur les comportements notamment en matière de tourisme. Il faut aussi rappeler que les profils des touristes sont multiples et une seule personne a aujourd’hui des envies complémentaires et contradictoires à la fois.
Les dégâts économiques et financiers sont inestimables à l’échelle planétaire. Les Echos estiment que nous pourrions connaître la pire crise économique depuis 1945. En France, l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques estime à ce jour une perte de 60 milliards d’euros par mois de confinement, une chute de 18 % de la consommation des ménages, un chômage partiel qui pourrait concerner 5,7 millions de salariés. Le chômage à l’échelle européenne avait touché son plus bas niveau en février depuis plusieurs années. Le bilan est d’autant plus impossible à dresser que cette crise risque de s’inscrire dans la durée. Au niveau économique, on s’est aperçu durant cette crise que notre dépendance à la Chine était trop importante. Déjà certains responsables politiques signifiaient qu’un changement de modèle est nécessaire avec notamment la relocalisation des activités économiques. Le mouvement de glocalisation, c’est-à-dire relocalisation du mondial, avait commencé à s’opérer depuis quelques mois. Ceci va s’accélérer et permettra à nos économies de redémarrer. Mais, ce sera à moyen terme. Le « Nouveau Monde » qui sortira de cette crise sanitaire, économique et financière reflétera un nouvel équilibre géopolitique, fruit d’une « reglobalisation ». Les cartes seront redistribuées. Le tourisme d’affaires risque fort de souffrir durant un moment de cette crise économique. Les pertes seront telles que les entreprises devraient différer leurs dépenses en ce sens notamment tout ce qui concerne l’organisation de séminaires internes, de team building,….
Nous devons faire aujourd’hui face à un contexte très anxiogène de maladie ou même de mort, que nous vivons quotidiennement devant l’afflux d’informations dramatiques et pour certains dans des drames personnels. Ceci nous confronte à une perte de contrôle qui la plupart du temps, pour les survivants devrait pouvoir se transformer en un sentiment profond de grand optimisme, de positivisme comme dans les années 1920, durant les années folles, période d’intenses activités sociales, culturelles et artistiques qui ont suivi la grande guerre. Une partie de l’humanité pourrait avoir besoin d’un grand besoin de liberté et de déplacements. Les voyages même dans un périmètre restreint dans un premier temps, devraient repartir. Les séjours auront été le plus souvent reportés…
Les guerres, les crises modifient en profondeur les esprits et les comportements. Le confinement, la peur nous auront permis de nous recentrer sur l’essentiel, sur les valeurs intrinsèques de l’homme : sa vie sociale et ses interactions avec l’autre. Ce mouvement était déjà initié depuis plusieurs mois notamment dans le tourisme au travers d’une quête de sens, de valeurs et d’échanges avec les locaux notamment. Ces valeurs sont largement portées par le slow tourisme qui avait déjà pris beaucoup d’ampleur. Le confinement aura provoqué une surconsommation de digital par le télétravail notamment et tous les moyens digitaux pour conserver une vie sociale. Nous pourrions assister à une overdose de digital et un besoin de déconnexion. Les voyages en immersion chez l’habitant risquent également de se renforcer. Le confinement devrait aussi permettre à la plupart de se tourner vers les producteurs locaux pour leur approvisionnement connu, plus sain. La recherche de la gastronomie locale au quotidien ou dans nos expériences touristiques risque de s’amplifier suite à la crise. Nous aurons aussi été privés de consommation, de choix durant la période de confinement et ceci risque de modifier en profondeur notre comportement de consommation notamment en matière de tourisme. En effet, Nous sommes passés d’une overdose de choix à une « quarantaine de consommation » selon Lidewij Edelkoort. Nous aurons pu constater que notre vie était aussi possible ainsi avec un recentrage sur l’essentiel. Déjà, nous observions avant la crise sanitaire, cette tendance qui contrebalançait le surchoix et répondait à une consommation plus responsable. En effet, certains restaurateurs ne proposaient qu’un seul plat à leur carte. Cette tendance à des consommations moins excessives, plus responsables devraient se développer.
Le mouvement de prise de conscience écologique va s’amplifier car cette crise met en lumière notre dépendance à la terre et que nous sommes uniquement ses habitants. « Je pense que nous commençons à comprendre, avec humilité (un concept important), combien il est important de préserver le monde d’hier pour qu’il soit encore là demain.» Gueorgui Gospodinov, écrivain Cette crise sanitaire démontre à nouveau que nos actions sont impactantes pour la planète et pour l’humanité entière. Cette crise sanitaire sera bénéfique en certains points notamment en matière de pollution. De nombreux satellites ont mis en lumière les effets de l’arrêt des économies mondiales et de la réduction drastique de la consommation mondiale conséquence du confinement (voir cartes).
Les consommations sont devenues plus locales. Le mieux manger, le manger plus responsable risque d’augmenter sensiblement. La crise du COVID 19 va-t-elle mettre en péril toutes les avancées que nous avions faites sur le zéro déchet. En effet, nous avons vu nos concitoyens se ruer vers des produits packagés pour éviter tous risques et surtout s’approvisionner en vitesse avant le confinement. Le phénomène des millennials qui refusait de prendre l’avion pour limiter leur empreinte carbone devrait s’accélérer. Les touristes devraient chercher à aller vers des destinations vertes, vers des prestataires qui mettent tout en œuvre pour limiter la pollution. Néanmoins, le premier avion électrique devrait décoller en 2020. Une solution à moyen terme pour les compagnies aériennes et le tourisme tout entier pour réduire l’empreinte carbone et redonner une envergure au tourisme. La mesure de l’emprunte carbone ou les compensations écologiques devraient se généraliser dans la mise en marché d’un produit touristique comme le « nutriscore » pour les aliments.
La pandémie COVID 19 a généré un stress et une angoisse très forte. Pour compenser, de nombreux touristes seront à la recherche de davantage de bien-être. Cette tendance existait déjà mais devraient être renforcée. La notion de bien-être est elle-même multiple et presque liée à chaque individu. Les voyages bien-être, pour se retrouver risquent d’être davantage demandés. Cette crise a révélé une sorte de bienveillance pour ses proches, ses voisins, les soignants et les aidants de toutes sortes….des inconnus. Des chaînes d’entraide ont été créées de façon spontanée. Je pense notamment à Free&Dispo : une plateforme solidaire qui met en relation bénévoles et structures touchées par la crise, ou la plateforme « jeveuxaider » mais ce ne sont que des exemples parmi de nombreux autres. Des chantiers de vacances collaboratifs existaient déjà. Ce type de tourisme solidaire pourrait être amené se développer suite à ce que nous venons de vivre. La crise aura fait prendre conscience aux gens qu’ils doivent prendre soin de leurs amis et de leurs familles,…de l’autre. Les comportements et applications collaboratives également vont continuer de se développer. Les co-vacances, les séjours intergénérationnels pourraient prendre un nouvel essor. Les interdépendances ont été mises en avant durant toute la crise et le confinement.
Cette crise nous éclaire sur notre responsabilité au monde, à la terre et à l’autre mais pas seulement écologique. La montée depuis plusieurs années d’un tourisme plus responsable, éthique devrait encore progresser durablement comme l’écotourisme. La maîtrise d’un sur-tourisme en misant plutôt sur des expériences plutôt que sur un volume de visiteurs est un des éléments à rechercher par les territoires. Les destinations auront en charge d’améliorer les pratiques et de gestion locale de l’activité touristique. L’éthique avec la prise en compte des préoccupations citoyennes sera essentielle pour les touristes dans leur choix de destination. La *recherche de sens et d’éthique sera au centre Le voyage transformationnel devrait se développer pour répondre à une quête d’utilité des séjours que ce soit juste au niveau du bien-être intérieur psychologique, physique, créatif, d’accomplissement ou de solidaire.
Dans un premier temps à la suite du confinement, les touristes devraient chercher à voyager très localement, dans un périmètre très restreint autour de lieu d’habitation afin de se rassurer. La peur de la pandémie amènera à visiter des lieux proches de son habitation. La tendance du « être touriste chez soi » était déjà en développement avant la crise. Cette orientation pourrait se développer à plus long terme. La fermeture des pays, la montée du protectionnisme que nous sentions même avant la crise devrait se poursuive. Les micro-vacances pourraient également se développer pour limiter le risque de partir trop longtemps et trop loin. Le stress ne s’effacera pas à moyen terme, sachant que nous ignorons si le virus reviendra régulièrement et avec quelle ampleur,…nous ne savons pas non plus si les réponses de la médecine et de la science seront adaptées.
A l’inverse, nous pourrions aussi voir se développer, à l’image de ce que nous avons vécu durant le confinement un tourisme virtuel à distance. De nombreux sites, musées et monuments ont imaginé des visites virtuelles à distance. Cette solution pourrait être exploitée avant et après la visite réelle de façon plus intensive. Cette tendance commençait déjà à se mettre en place avant le confinement. En effet, plusieurs startups travaillent déjà sur ce sujet et proposent des solutions de visites virtuelles, de collections cachées, de gamification à distance… L’impact économique serait amoindri dans un premiers temps mais jouerait sur un gain en image, notoriété et en inspiration pour des jours meilleurs.
Le touriste d’aujourd’hui ou plutôt d’avant crise est schizophrène : il veut du slow un jour, du digital l’autre jour,…. Il vaut tout et son contraire. A côté du développement du slow, on a vu se développer la tendance du luxe et du sur-mesure par des mêmes individus, à des moments différents. Cette tendance déjà observée depuis plusieurs mois pourrait se renforcer. La consommation a été contrainte durant plusieurs semaines et de nombreuses personnes n’ont pas pu consommer et se faire plaisir. Nous l’avons vu par exemple sur la ruée des consommateurs sur les certains produits de premières nécessités. Ce manque pourrait comme nous l’avons vu, donner naissance à des comportements contradictoires de consommation plus responsables et à la fois de consommation correspondant au luxe. Cette tendance de recherche de luxe est d’ailleurs assez portée par la génération des millennials. Le consommateur aura tendance à se faire plaisir pour compenser la frustration du confinement et le stress lié. La tendance au sur-mesure pour se démarquer est déjà présente dans la consommation (exemple des tennis à son effigie) et dans l’industrie du tourisme avec les voyages à la carte, sur-mesure. Cette tendance de fond devrait continuer de se développer car les touristes veulent des choses à leur image, qui leurs correspondent.
Le touriste souhaitera toujours plus de solutions digitales pour l’accompagner dans ses voyages : avant, pendant et après,… Les recherches des laboratoires, les innovations des startups qui ont su réagir vite et créer très rapidement des masques, du matériel manquant….Les budgets recherche et innovation devraient largement progresser. Ce sont ces secteurs qui ont pu nous sauver, nous aider durant la crise. L’utilisation en télétravail des outils digitaux pour garder le lien et continuer les activités pourraient augmenter pour migrer vers un tourisme encore plus connecté. L’utilisation de données intelligentes grâce à l’intelligence artificielle et le développement des outils vocaux devrait poursuivre leur développement pour créer ou développer des destinations plus smart même en campagne comme des applications de guidage, des applications de carnet de voyages sur-mesure pour créer son voyage et ses souvenirs…et qui rassurent les touristes.
Nous sentions déjà depuis quelques mois, le besoin en sécurité monter suite aux pandémies précédentes et aux attentats alors que notre époque contemporaine fournie une sécurisation à outrance et n’a jamais été aussi sûre. La pandémie du COVID 19 devrait exacerber ce besoin. Un besoin de sécurité sanitaire et alimentaire Le côté sanitaire jouera un rôle prépondérant. Cette demande émanait surtout des touristes asiatiques. Mais, elle pourrait se généraliser à l’ensemble de la planète. La sécurisation par des labels, des certifications sanitaires devrait être la règle pour garantir et sécuriser les touristes. Une besoin de sécurité climatique La prise en compte de l’urgence climatique est actée et devient le quotidien d’un grand nombre d’humains. Mais, après cette prise de conscience et les premiers dégâts économiques, il va falloir gérer l’éco-anxiété et rassurer sur certaines destinations à risques,… Un besoin de cybersécurité et la lutte contre les fake news. Si d’un côté, les touristes réclament plus d’intelligence artificielle, ils ont également très peur d’être trackés, espionnés, que la reconnaissance faciale les détectent à chaque coin de rue ou entrée de bâtiment. De nombreux grands groupes ont été attaqués et des données personnelles ont été divulguées. Les virus informatiques font aussi très peur comme les virus biologiques. Les attaques via les fake news sont aussi dévastatrices et peuvent nuire rapidement. Les attentes en ce sens sont grandes. Un besoin de sécurisation communautaire Les réseaux sociaux ont pu accélérer le phénomène des communautés qui permet de rassurer notamment les millennials. Le phénomène du FOMO, peur de louper des choses et sa vie, est très lié à la génération des millennials. Ce cocon illusoire qu’offre l’appartenance à une communauté risque de se renforcer pour pallier les fortes incertitudes de ce monde.
Le rôle des institutionnels et des fédérations du tourisme sera primordial pour accompagner une offre touristique atomisée. **Les socio-professionnels du tourisme doivent être accompagnés économiquement tout d’abord mais ensuite plus largement en matière de stratégie de l’offre et d’innovation, de digitalisation, de commercialisation, de communication en matière d’image, de notoriété sur leurs produits. Les communications et les actes devront être responsables, éthiques et réellement engagées mais aussi réinventées et réenchantées. Cette crise devrait remettre l’humain au centre. Elle nous aura permis de comprendre que non le temps ce n’est pas que de l’argent et que sans l’Homme, notre système s’effondre.
Un proverbe tibétain nous rappelle que « Le voyage est un retour vers l’essentiel. ».
Séverine PORTET
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