Eclairage sur l'avenir du tourisme par Alexandre Michelin
Alexandre Michelin, entrepreneur, spécialiste des technologies immersives et organisateur du KIF-Knowledge IMMERSIVE Forum, nous éclaire sur sa vision du tourisme de demain.
5 choses à savoir sur Alexandre Michelin
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Homme des médias traditionnels, il a fait une transition il y a 15 ans dans le numérique.
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Il a d’abord travaillé en télévision pendant une vingtaine d’années dans le développement de la télévision numérique.
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Il a collaboré une dizaine d’années chez Microsoft.
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Il est aujourd’hui entrepreneur.
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Il est l’organisateur du Kif-Event dont la première édition s’est déroulée à Metz en septembre 2021.
Nouvelles technologies : des opportunités extraordinaires
Son ambition à travers le KIF, Knowledge IMMERSIVE Forum a été de partir d’une technologie en rupture pour penser ce qui va être le développement des médias dans les années qui viennent. C’est ainsi que la notion d’immersif l’a amené vers des notions de culture au métavers. Le métavers correspond à une synthèse des médias et de l’internet et va même au-delà. Méta, l’univers développé par Facebook, signifiant « au-delà » en grec.
La question qui se pose aujourd’hui pour chaque acteur, quel que soit son secteur, est de savoir comment partir d’une logique de propositions éditoriales ou commerciales et de la projeter dans la nouvelle vague d’internet. Un internet qui va nous immerger, un internet 3 D dans lequel chacun de nous pourra être aux manettes et au cœur de l’expérience éditoriale.
Chaque institution, chaque entreprise, chaque ville, chaque destination devra imaginer sa propre histoire et la projeter à travers une proposition numérique. Le plus souvent aujourd'hui, cette proposition numérique est un jumeau numérique*.
Définition Jumeau numérique
"Un jumeau numérique est la représentation virtuelle d'un produit, utilisée pour la conception, la simulation, la surveillance, l'optimisation ou l'entretien du produit. Il s'agit d'un concept essentiel dans l'Internet des objets appliqué à l'industrie. Les applications dans l’industrie du voyage se sont multipliées en 2021 pour inciter les gens à revenir suite à la crise sanitaire de Covid-19. Les jumeaux digitaux peuvent être utilisés pour montrer le respect des mesures de distanciation dans les salles de restaurant, entre les tables et les chaises. Les vacanciers pourront visiter les locations virtuellement avant leur séjour et seront plus enclins à vouloir les réserver. Pour aller plus loin et conscients des avantages considérables de cette technologie, les voyagistes et agences de voyage pourront aussi utiliser les jumeaux numériques pour promouvoir les destinations touristiques au-delà des lieux de vacances."*
Source : Que signifie Jumeau numérique (Digital Twin)? - Definition IT de Whatis.fr (techtarget.com), Quels usages pour la technologie du jumeau digital en 2022 ? | Internetspeed
C’est une transformation très profonde qui nous attend car elle va demander aux acteurs de se déplacer, d’interagir avec les autres et d’être reconnaissable.
« Ce qui se cache derrière la notion de métavers mais qui existait déjà depuis un moment, est la nécessité d’enrichir la proposition éditoriale et l’expérience. Le tourisme a toute sa place à prendre dans ce domaine. Cela participe, de plus en plus fortement, à l’attractivité d’une région, d’un pays. »
La Corée du Sud a travaillé depuis plusieurs années son image notamment à travers de grandes marques comme Samsung. Elle s’est inspirée de tout ce qui est fait à travers le monde pour construire une image de la Corée.
Aujourd’hui, dix ans après, la Corée est présente dans les séries télévisées comme Squid games, dans la musique avec la kpop,..Cette stratégie a permis à la Corée de se positionner comme une puissance de création d’imaginaires alternatives aux grands groupes américains alors que c’est un tout petit pays.
« Cette transformation est tout à fait à la portée de ceux qui voudraient s’y atteler que ce soit au niveau d’un individu, d’une entreprise, d’une région, d’un pays. Tout ceci est possible à condition d’être assez méthodique, de bien comprendre ce qui est en train de se passer et de travailler sur le long terme. »
Alexandre Michelin
C’est l’occasion de se reposer la question de leur imaginaire et de savoir ce que l’on a envie de projeter de soi, de son territoire, de son passé et de son patrimoine… Les outils numériques, en évolution permanente, offrent des opportunités nouvelles extraordinaires.
Virtuel et réel se répondent
La crise sanitaire a réduit nos libertés de circuler par rapport aux décennies précédentes.
Il faut envisager le « virtuel » comme une extraordinaire opportunité promotionnelle.
« La pandémie nous a appris que nous pouvons voyager de chez soi. »
« Beaucoup opposent virtuel et réel. Il ne faut pas les opposer, il faut les conjuguer. »
Alexandre Michelin
Pendant la pandémie, 10 millions de personnes ont visité le site du Louvre via ses applications en ligne. 10 millions c’est le nombre de visiteurs que fait le Louvre en un an de visites physiques. C’est d’ailleurs le record du monde pour un musée. Les deux se répondent et ne s’annulent pas. Les 10 millions de visiteurs vont rester et continueront de venir en ligne et viendront physiquement sur le site.
« Les deux mondes peuvent s’enrichir. On peut avoir envie de voyager physiquement mais sans pouvoir le faire, on peut et pourra compenser avec le virtuel. »
Alexandre Michelin
Jules Verne était précurseur en la matière. Avec la révolution industrielle, l’envie de voyage s’est développée parce que des machines qui permettaient de voyager ont été créées mais ces voyages étaient réservés à une élite d’aristocrates, d’aventuriers ou de grands voyageurs. Jules Verne a incarné cela. Ces livres font encore rêver.
« L’aspiration au voyage est très puissante. La technologie finalement ne fait que l’exprimer de manière différente. »
Alexandre Michelin
L’immersion renforce attractivité et accessibilité
Ce qui fait voyager aujourd’hui c’est le fait de vivre des expériences virtuelles pour ensuite avoir envie d’y aller physiquement. L’exposition immersive Pompéi du Grand Palais propose de visiter notamment les reconstitutions des villas romaines. Une fois le casque de réalité virtuelle retiré, on se dit qu’on a vraiment envie de vivre « en vrai » cette expérience.
« Je crois que l’avenir du tourisme se fera avec la réalité mixte, entre voyages physiques, plus exceptionnels qu’aujourd’hui, et une suite de voyages exploratoires, de recherche à travers des expériences immersives. »
Alexandre Michelin
« Ces nouvelles technologies de tourisme virtuel vont ouvrir le voyage et offrir du rêve à travers une nouvelle accessibilité que ce soit physique mais aussi financière. »
Alexandre Michelin
Les technologies immersives, un moyen d’atteindre l’inaccessible
Les nouvelles technologies permettront d’aller même dans des endroits inaccessibles. Par exemple, dans l’application Pompéi, le niveau de détail est fantastique et permet d’accéder à des visites et des scènes que même la visite physique n’aurait pas apportée. L’idée d’explorer le fond des océans, l’espace, les volcans, le chantier de reconstruction de Notre Dame…tous les endroits inaccessibles, sur les écrans géants, l’expérience devient fantastique.
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Un tourisme qui va monter en qualité !
Les rencontres professionnelles gagneront en qualité : certes moins souvent mais pour de plus grands rendez-vous ! C’est aussi vrai dans le tourisme d’agrément, le tourisme répond à des pulsions que nous a permis le monde moderne. Le tourisme sera plus écologique et de plus grande qualité.
« La concurrence oblige à la montée en qualité. Le tourisme va être obligé de monter en gamme. »
Alexandre Michelin
L’industrie du voyage va évoluer grâce à la forte concurrence et à l’envie de découverte.
« Le tourisme de demain sera un tourisme de découverte. Je crois beaucoup à la montée en gamme et à la naissance d’un tourisme plus intéressant, un tourisme culturel, un tourisme d’apprentissage. »
Alexandre Michelin
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La France a une telle richesse patrimoniale que des parcours ou des découvertes peuvent être mises en avant partout sur notre territoire.
« On est en face de la naissance d’un autre tourisme, un tourisme à la carte, de petits groupes, très riches culturellement ou patrimonialement.»
On voit d’ailleurs plusieurs destinations comme Esch, capitale européenne de la culture 2022, qui met en avant son patrimoine industriel pour promouvoir sa ville. Elle propose des applications qui permettent de voir notamment comment se déroulait la vie il y a un siècle….
C’est une belle illustration du fait que l’on monte en qualité. On met en avant son patrimoine même s’il n’est plus sur pieds, on arrive à la raconter avec les nouvelles technologies.
« J’appelle de mes vœux un tourisme de plus en plus subtile, tactique qui utilise toutes les possibilités de la technique. »
Alexandre Michelin
La notion de plaisir est aussi essentielle avec la fuite du tourisme de masse. On va regarder avec de plus en plus d’attention, la composition de l’expérience dans le package proposé.
Pendant la crise sanitaire, les villes qui ont gagné sont les villes moyennes car elles ont la qualité de vie des petites villes et l’offre culturelle des grandes villes avec un immobilier accessible. La qualité de « vie » qu’offrent ces villes va faire la différence. Cela va être pareil pour le tourisme.
« La proposition de valeur doit vraiment être qualitative et être travaillée pour demain. »
Alexandre Michelin
« Le tourisme est complétement lié à la manière dont on vit. Et si la manière dont on vit évolue ; le tourisme sera amené à évoluer. »
Alexandre Michelin
Les destinations moins fréquentées, plus moyennes, gagneront au niveau du tourisme à l’image de ce qui s’est produit durant la pandémie. Les visiteurs se sont tournés vers des destinations, des sites moins fréquentés.
Au-delà de la notion de qualité, on peut voir la montée de la notion d’exigence. De plus en plus dans les pratiques, les gens vont se faire plaisir et achèteront une à deux pièces de luxe. Pour le tourisme ce sera pareil : s’offrir un moment de rêve, inoubliable, durant son séjour.
Tourisme et culture aujourd’hui en ébullition…préparent déjà demain
Le Centre George Pompidou a utilisé le réseau social Tik Tok pour promouvoir l’exposition Arcimboldo, pour s’ouvrir à de nouveaux publics, plus jeunes. Les villes de Reims et de Metz mettent en avant leur cathédrale (Festival Constellation à Metz ou Regalia à Reims).
Tous ces exemples sont déjà des bouts de métavers, des bouts de numérique. C’est déjà là et cela fait déjà partie de l’attractivité.
Cela va se sophistiquer notamment autour de Snapchat.
Ces nouvelles stratégies vont rajeunir les publics, attirés par les médias non traditionnels qu’ils utilisent. L’idée étant d’aller chercher les jeunes là où ils sont. Les musées sont nombreux à travailler autour des jeux vidéo. Ils essaient de créer des expériences vidéo ludiques pour intéresser les plus jeunes.
Le musée de demain sera un mix de l’héritage du patrimoine et des expériences permises par les nouvelles technologies immersives.
« Les musées ne doivent pas être des mausolées. On doit donner envie de vivre et revivre les expériences. »
Alexandre Michelin
Les nouvelles technologies immersives jouent sur l’empathie, sur le fait que chaque participant soit inclus dans l’histoire. Le musée 2030 devra être attractif en proposant des expériences nouvelles, pouvant être réalisées à distance si les moyens ne sont pas là. Mais la vraie expérience est de faire les deux, visite virtuelle et visite réelle.
Le côté ludique du jeu vidéo est très approprié pour donner envie de venir. Le musée qui n’intègre pas la dimension ludique ou les interactions auront du mal à se projeter dans l’avenir.
Le but n’est pas de détruire les formes de musées d’aujourd’hui, mais bien de les enrichit en proposant des expériences supplémentaires.
Inclure l’émotion dans les visites
Dans les expériences culturelles, il faut inclure l’émotion. La startup Onyo, le monde inoui propose justement des pauses d’émerveillement pour couper la connexion permanente, avec par exemple le son binaural*.
Définition Son binaural
"Un son binaural est une tonalité ou une fréquence spécifique, différenciée par de petites magnitudes dans chaque oreille. Par exemple, dans une oreille, la fréquence peut être de 300 Hz et dans l’autre de 310 Hz. Cette situation amène le cerveau à produire un son tridimensionnel (3D) ou illusoire de 10 Hz. Notre cerveau crée ce troisième son en essayant de «se synchroniser» avec les fréquences auxquelles il est exposé.
Plusieurs études et des documents montrent que les sons binauraux activent diverses zones du cerveau. Pour comprendre tout cela, il est important de connaître les 4 états de notre cerveau :
- bêta (13 à 39Hz) : c’est un état qui vous permet de rester concentré. De nouvelles idées et solutions émergent pendant que votre cerveau maintient les fréquences bêta.
- alpha (7 à 13 Hz) : dans cet état, le cerveau ralentit et se détend. C’est un état recommandé pour le traitement du stress.
- thêta (4 à 7 Hz) : c’est un état de relaxation plus profond. C’est presque le point de sommeil. Vous pouvez ressentir un état de flottement et avoir le sentiment d’être hors de votre corps.
- delta (moins de 4 Hz) : c’est l’état d’inconscience et de sommeil. Les fréquences delta sont associées au sommeil profond.
La chose la plus intéressante à propos de tout cela est qu’il y a une conscience pleine et unitaire même s’il y a des parties du cerveau qui fonctionnent différemment. C’est-à-dire que chaque région du cerveau où elle se trouve, émet une fréquence d’onde différente et le cerveau sélectionne les données et les simplifie en tant qu’informations individuelles. Le cerveau humain produit toujours plusieurs ondes cérébrales 24 heures sur 24. Vos sentiments, capacités, pensées et aptitudes sont intimement affectés par ce mélange d’ondes cérébrales que votre cerveau émet. Le bien-être et le bonheur surviennent lorsque les ondes cérébrales sont parfaitement alignées avec ce que vous faites à un moment précis."
Les outils de son sont aujourd’hui exceptionnels.
La société narrative a fait revivre le château de Vaux-Le-Vicomte avec des visites avec casque. En mettant le casque, vous entendez le bruit. Les visiteurs sont complétement transportés dans l’histoire et se prennent à lever la tête pour observer en plein jour un feu d’artifice virtuel.
La prise de conscience écologique, signal faible accéléré par la crise sanitaire
La crise sanitaire a déjà profondément modifié nos comportements. Aujourd’hui avant de bouger on va se poser deux fois la question. « Il y aura de plus en plus de grands évènements dans lesquels les personnes se retrouveront mais de moins en moins d’évènements intermédiaires qui pourront être faits à distance. » Il faut trouver le bon équilibre entre économie et tourisme durable. La prise de conscience écologique est importante chez les nouvelles générations. Ils sont nés avec.
L’exigence d’identification du caractère durable d’un produit ou d’une expérience touristique doit être la même que celle que nous avons pour les étiquettes sur les produits dans les supermarchés. Demain, il faudrait indiquer pour chaque destination, l’empreinte carbone à laquelle elle correspond. Le mode de transport devra aussi être adapté. Le numérique a d’ailleurs dans ce cadre durable, un grand intérêt, car il permet d’avoir une approche progressive.
« Le tourisme doit s’inscrire dans le tourisme durable sinon il sera associé aux industries polluantes. »
Alexandre Michelin
Est-ce que cela vaut le coup de traverser l’Atlantique pour aller au Brésil par exemple ?...si je le fais ce sera pour une longue période.
L’empreinte carbone va influer aussi sur nos choix.
« J’espère que nous maîtriserons mieux les voyages et leurs conséquences environnementales.»
Alexandre Michelin
Des modifications sur les représentations sociales des vacances se sont opérées dans nos esprits. Faut-il toujours partir en voyage ? Ne peut-on pas, de temps en temps, être touriste chez soi et visiter les musées ? Il y a des choix que nous n’aurions pas envisagés avant cette crise sanitaire et cette prise de conscience écologique.
« Le tourisme de 2030 sera un mix entre le réel et le digital : le phygital ! »
On va partager des expériences en ligne et on ira les vivre physiquement. On vit déjà ainsi surtout les jeunes générations. Mark Zuckerberg l’a bien compris.
Interview d'Alexandre Michelin par Séverine Portet
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